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- Un peu de contexte
- Qubic, un projet crypto aux promesses infondées
- Une communauté aux méthodes controversées
- Des coups médiatiques à répétition pour exister
- Leur fameuse « Attaque 51% » sur Monero, et pourquoi il n’en est rien
- Aucune preuve d’une véritable attaque : Plusieurs preuves d’un bluff bien rôdé
- La difficulté de minage
- Mais alors : Comment leur hashrate sur MiningPoolStats est-il aussi élevé ?
- Des experts qui invalident
Un peu de contexte
Qubic, un projet crypto aux promesses infondées
Qubic est un projet de blockchain se présentant comme un « tickchain » révolutionnaire, associé à une intelligence artificielle générale (AGI) baptisée Aigarth. Sur le papier, Qubic promet monts et merveilles : des performances records (jusqu’à 15,5 millions de transactions par seconde) et l’avènement d’une véritable AGI d’ici 2027.
Cependant, à ce jour, aucune démonstration concrète de ces prouesses technologiques n’a été fournie. Pour maintenir une illusion de légitimité, l’équipe de Qubic a publié des « white papers » scientifiques extrêmement obscurs, de l’avis général illisibles, qui noient le lecteur sous un jargon technique sans apporter la moindre preuve tangible de la technologie annoncée. En clair, Qubic brille surtout par des promesses extravagantes, pas par des réalisations vérifiables.
Une communauté aux méthodes controversées
Autour de Qubic gravite une communauté de supporters zélés, que certains n’hésitent pas à comparer à une secte. D’après des témoignages, certains membres influents iraient jusqu’à rémunérer des personnes dans des pays en développement pour qu’elles inondent les réseaux sociaux de commentaires flatteurs sur Qubic, dans le but de créer artificiellement du buzz. À la moindre contradiction ou question critique, la sanction tombe : bannissement des canaux de discussion, insultes et même menaces. Toute cette ferveur s’articule autour du fondateur du projet, connu sous le pseudonyme “CFB”.
Derrière ce sigle se cache Sergey Ivancheglo, personnage bien connu de l’univers crypto pour avoir cofondé IOTA et précédemment NXT (Deux projets dont la capitalisation s’est effondrée). Ivancheglo cultive une image trouble : il s’est publiquement accroché avec de nombreux interlocuteurs en ligne, a déjà pratiqué le doxing (divulgation d’informations personnelles d’autrui) et laisse planer le doute sur une prétendue identité secrète.
En effet, lui et son entourage alimentent l’idée qu’il serait carrément Satoshi Nakamoto, le mystérieux créateur du Bitcoin, une prétention qui laisse sceptique la plupart des observateurs. Ce culte de la personnalité autour de “CFB”, combiné à l’opacité du projet, donne au final l’image d’un gourou et de sa cour, plutôt que celle d’un développement open-source sain.
Des coups médiatiques à répétition pour exister
Comme peu d’experts crédibles adhèrent aux promesses d’une AGI miracle, Qubic a recours à des coups médiatiques pour faire parler de lui. Au cours des derniers mois, le projet a multiplié les déclarations tapageuses, souvent sans lendemain. Parmi ces narratifs à buzz :
- « Sergey Ivancheglo est Satoshi Nakamoto » – La rumeur selon laquelle le fondateur de Qubic serait le créateur du Bitcoin a été lancée et entretenue, sans aucune preuve à l’appui.
- « L’AGI est prête et va révolutionner le monde » – Qubic a plusieurs fois clamé avoir quasiment accompli son intelligence artificielle générale, capable de bouleverser la technologie. Là encore, aucune démonstration concrète n’a jamais été apportée au public.
- « Les capitaux de $KAS vont basculer vers Qubic » – À un moment, les promoteurs de Qubic ont insinué que les investisseurs délaissaient une autre blockchain (Sui) au profit de Qubic, annonçant un hypothétique “flippening”. Bien entendu, rien de tel ne s’est matérialisé.
- « Une attaque 51% va être lancée sur Monero » – Dernier fait d’armes en date, l’équipe Qubic a annoncé vouloir réaliser une attaque 51% contre le réseau Monero (XMR). Nous verrons dans la suite de l’article pourquoi il n’en est rien.
Toutes ces annonces tonitruantes ont un point commun : aucune n’a jamais été étayée par des faits. Il s’agit à chaque fois d’attirer l’attention, de générer du battage médiatique et, selon les détracteurs, de faire monter artificiellement le cours du token Qubic pour permettre à ceux qui sont “dans la combine” de vendre avec profit aux dépens des nouveaux venus. En bre, une stratégie de « pump and dump » qui s’appuie sur le sensationnalisme plutôt que sur la technique.
jyakulis says he was the one who came up with the idea for Bitcoin (on https://t.co/pZjZ3Y3VKx).
Some people picked up the idea and started developing it. He also admits that Maria == CFB == the developer who did most of the work.
If this is true then… pic.twitter.com/drjS4WwIIr
— CfB=Satoshi (@SatoshiCfB) July 3, 2025
Leur fameuse « Attaque 51% » sur Monero, et pourquoi il n’en est rien
Revenons à la fameuse attaque 51% annoncée contre Monero. Pour rappel, dans le monde des cryptomonnaies, une attaque 51% signifie qu’un acteur malveillant parvient à contrôler plus de la moitié de la puissance de calcul (hashrate) d’un réseau, ce qui lui permettrait en théorie de falsifier des transactions (double dépenses) ou de censurer des blocs. C’est une menace prise au sérieux dans les communautés décentralisées, et Monero, crypto-monnaie axée sur la confidentialité, n’y fait pas exception.
Selon les déclarations de Sergey Ivancheglo sur les réseaux sociaux fin juillet, Qubic entendait montrer sa force en monopolisant la majorité du hashrate de Monero pendant un temps donné, présenté comme un « test » ou une démonstration technologique. Officiellement, Ivancheglo affirmait que l’opération n’était pas malveillante mais visait à sensibiliser le public aux risques théoriques d’une telle attaque.
Qubic a même fixé une fenêtre du 2 au 31 août 2025 comme période de « risque élevé » pour Monero, invitant les plateformes d’échange à augmenter les confirmations requises sur les dépôts XMR durant cette phase. En parallèle, Qubic mettait en place une campagne incitative auprès des mineurs : en proposant des récompenses financières supérieures à celles des pools classiques, l’objectif était d’attirer assez de mineurs de Monero vers la pool de minage Qubic pour atteindre, voire dépasser, le seuil critique de 51% du réseau.
Concrètement, Qubic disposait déjà d’un réseau de machines minant son propre jeton. Le fonctionnement du minage Qubic était particulier : les ordinateurs alternaient une heure de minage de Qubic, puis une heure « off » (idle) où ils ne faisaient rien. C’est pendant ces périodes creuses que Qubic a annoncé brancher sa puissance de calcul sur Monero. Le plan de Qubic était donc de profiter de ces heures d’inactivité pour miner du Monero en masse. D’après les partisans du projet, cette manœuvre aurait permis à la pool Qubic de concentrer autour de 20% à 30% du hashrate total de Monero, chiffre impressionnant s’il était avéré.
Dans un premier temps, les statistiques de l’agrégateur MiningPoolStats semblaient donner raison à Qubic : fin juillet, une nouvelle pool a grimpé en tête du classement des mineurs de Monero, affichant jusqu’à environ 30-40% des blocs trouvés sur les dernières 24h. Cette pool n’était autre que celle de Qubic, créée pour l’occasion. Il a même été brièvement rapporté que Qubic dominait le réseau Monero en tant que plus grande pool de minage. De quoi semer l’inquiétude parmi les utilisateurs de Monero.
Aucune preuve d’une véritable attaque : Plusieurs preuves d’un bluff bien rôdé
La difficulté de minage
Heureusement, en y regardant de plus près, cette prétendue attaque s’est révélée n’être qu’un bluff de plus de la part de Qubic. Les données techniques du réseau Monero montrent clairement que l’influence de Qubic a été largement exagérée.
D’abord, si Qubic avait réellement apporté 20% ou 30% de puissance de calcul en plus sur Monero, cela se serait immanquablement traduit par une hausse notable de la difficulté de minage du réseau (la difficulté s’ajuste automatiquement en fonction du hashrate global). Or, au moment où Qubic clamait « peser » un quart du réseau, la difficulté de Monero est restée pratiquement inchangée, passant d’environ 586 à 589 gigahash seulement. Une variation aussi minime est incompatible avec l’arrivée soudaine d’un tiers de puissance supplémentaire ; c’est un premier indice que Qubic a largement survendu son impact réel.
Mais alors : Comment leur hashrate sur MiningPoolStats est-il aussi élevé ?
L’argument massue brandi par les fans de Qubic était le fameux tableau de MiningPoolStats montrant que leur pool représentait jusqu’à 30–40 % du réseau Monero. Cela a été présenté comme une « preuve » d’une attaque 51 % en cours ou imminente. Mais cette donnée est extrêmement trompeuse.
En réalité, le hashrate affiché sur MiningPoolStats est auto-déclaré par la pool elle-même. C’est ce qu’on appelle un self-declared hashrate. Chaque pool peut annoncer aux utilisateurs la puissance qu’elle prétend agréger, mais ce chiffre n’est pas vérifié de manière indépendante par le réseau. Comme expliqué dans ce post Reddit, MiningPoolStats se contente d’agréger les données publiées par les pools, sans moyen fiable de valider leur exactitude.
Par ailleurs, le site tente aussi d’attribuer les blocs minés à des pools en analysant certains marqueurs (comme l’adresse de récompense ou la signature du bloc), mais ces marqueurs peuvent être contournés. Un mineur indépendant peut tout à fait faire en sorte que ses blocs ressemblent à ceux d’une autre pool. De plus, sur de courtes périodes, une petite pool peut miner plusieurs blocs d’affilée simplement par chance, ce qui fausse les statistiques de manière ponctuelle.
Face à l’incohérence entre la puissance affichée par la pool Qubic et l’absence d’impact réel sur la difficulté du réseau Monero, MiningPoolStats a d’ailleurs fini par apposer la mention “Invalid Hashrate!” (« hashrate invalide ») à cette pool. C’est un aveu direct que les données rapportées ne correspondent pas à la réalité du réseau.
En résumé, le prétendu hashrate de Qubic est basé sur des chiffres non vérifiés et manipulables. Ce n’est pas une preuve d’une attaque sérieuse, mais un outil de communication pour impressionner les non-initiés.
Des experts qui invalident
Des experts du secteur avaient d’ailleurs exprimé dès le départ leur scepticisme sur la capacité de Qubic à mener une véritable attaque 51%. Luke Parker, développeur de l’exchange décentralisé Serai, a rappelé que même au pic de leurs datas falsifiées, Qubic aurait dû encore à peu près doubler son hashrate et le maintenir dans la durée pour espérer accomplir une attaque 51% aboutie sur Moner.
Un autre observateur, Seth Simmons (vice-président de Cake Wallet), a confié avoir « les plus grands doutes » quant au fait que Qubic puisse matérialiser une telle attaque, y voyant surtout une tentative de faire perdre confiance dans Monero. En fait, personne d’informé n’a réellement cru que le réseau Monero était en danger , et les faits ont donné raison à ce scepticisme.
Conclusion : cette « attaque 51% » revendiquée par Qubic aura surtout fait beaucoup de bruit pour rien. Aucune perturbation notable n’a été constatée sur le réseau Monero, qui a continué de valider ses blocs normalement. Tout au plus, l’incident aura servi de piqûre de rappel sur l’importance de la décentralisation du hashrate et la vigilance de la communauté. Pour Qubic, en revanche, le coup de projecteur recherché a peut-être eu l’effet escompté du côté spéculatif : le token $QUBIC a vu son prix bondir de plus de 70% durant la période de l’annonce, preuve que ce genre de publicité peut tromper (temporairement) une partie du public. Mais à plus long terme, ces stratagèmes érodent un peu plus la crédibilité déjà très entachée du projet.
En définitive, l’opération de Qubic s’apparente à un scam de plus : une montagne de hype qui accouche d’une souris, le tout orchestré par un fondateur coutumier des arnaques. Restez prudents et ne prenez pas pour argent comptant les effets d’annonce spectaculaires de ce genre de projet douteux.